Fiches pratiques
Pour comprendre notre réaction face au stress
Introduction à la gestion du stress en exercice libéral : le dépistage
Le contexte économique et social a profondément changé ces dernières années. Notre profession en subit les conséquences, quel enjeu cela représente-il dans notre vie quotidienne ? Voilà quelques aspects que cet article vous invite à réfléchir.
La qualité de vie au travail pour nous, professionnels de santé, comme pour notre personnel, est désormais un enjeu majeur. Sa recherche puis son maintien est l’investissement le plus sûr que nous puissions réaliser pour notre vie d’aujourd’hui : trouver notre équilibre, l’épanouissement et la satisfaction dans notre travail, comme pour celle de demain : arriver à la retraite dans les meilleures conditions physiques et morales. La qualité de vie dans notre travail est également la garantie de notre efficacité, du maintien de la qualité de nos actes et, en conséquence, de la pérennité de nos cabinets.
Un mode d’exercice de plus en plus complexe
Au cours des dernières décennies, notre activité et la conception même de notre exercice ont considérablement évoluées.
Un nouvel outil de travail : l’informatique et sa perpétuelle mouvance, se sont introduits à tous les niveaux dans notre cabinet : de la gestion administrative à l’accueil, au traitement et au suivi des dossiers au fauteuil, en officine ou en déplacement.
Nous devons être de plus en plus compétents, de plus en plus formés, faire face à une quantité de tâches cliniques et administratives grandissante. Pour certains, nous devons gérer du personnel, des associés, cette gestion comporte des facettes cachées que nous découvrons (bien souvent à nos dépens) : ambiances de travail détériorées voire invivables, prud’homme ou conflit avant une séparation souvent douloureuse pour terminer.
En conclusion, les nouvelles technologies arrivées dans notre exercice sont tout aussi bien une source de simplification de nos tâches que de complexification de notre outil de travail, nous demandant ainsi une incessante souplesse d’esprit. La charge de travail augmente tant au niveau des soins qu’au niveau administratif. Notre activité, hier individuelle et essentiellement personnelle, a subi des modifications organisationnelles radicales, nous propulsant au statut officiel ou officieux d’entreprise et nous incluant dans des sociétés.
Une responsabilité augmentée et une diminution d’autonomie
Sans entrer dans nos modes de traitement, nos choix thérapeutiques ou nos activités sont continuellement à repenser à la lumière des « nouvelles acquisitions de la science ». Parallèlement s’installe une augmentation de la mise en cause de nos actes, de notre professionnalisme . Nos actes se chargent de lourdes responsabilités dont les limites sont aussi floues que non délimitées. La formation continue devient indispensable et est même imposée.
Un contexte relationnel tendu avec nos interlocuteurs – une reconnaissance professionnelle amoindrie
Ce bilan ne peut se poursuivre sans parler du changement considérable d’état d’esprit de notre patientèle ou clientèle. Notre société du tout, tout de suite, alliée à une politique où la dépense pour les soins doit être moindre voire complétement absente, nous confrontent à des patients intolérants, aux réflexions désagréables et dont l’incivilité devient une caractéristique .N’oublions pas de citer les médias qui se chargent de nous juger.
Finissons par les comptes que nous devons rendre aux caisses de sécurité sociale pour lesquelles définitivement notre activité n’est pas évaluée comme un service rendu mais comme une dépense à limiter pour des raisons purement comptables.
Une charge de travail augmentée et des aspirations professionnelles nouvelles
Si notre mode d’exercice a changé, si les temps ont changé, nous aussi, nous changeons.
Notre démographie ne peut plus faire face à une population qui ne cesse d’augmenter en nombre et en demandes, le résultat est des cabinets surchargés avec des temps d’attente de prise en charge longs.
Nos attentes professionnelles ont évolué. Notre exercice n’est plus notre seule source d’épanouissement, nous voulons concilier réussite professionnelle et vie familiale, une aspiration qui nous conduit à réduire notre durée hebdomadaire de travail et à désirer mieux utiliser notre temps médical. Nos jeunes confrères affirment leur choix pour une sécurité financière au travail incompatible avec l’exercice libéral où notre salaire rime tout aussi bien avec conjoncture économique qu’investissement personnel.
En conclusion, nous baignons dans une ambiance de travail où les maîtres-mots sont complexité responsabilités et conflit potentiel. Nos facteurs de stress d’hier sont eux-aussi toujours présents.
Une approche du stress
Le stress ne se voit pas, de façon insidieuse sans qu’un événement particulier ne se produise, dans la seule répétition des activités quotidiennes, par l’accumulation « d’incidents », il surgit. Il s’exprime de façon très différente selon chacun. Il est plus ou moins bien supporté et il aura des conséquences sur la santé physique et psychologique.
Dans cet article, le stress qui rappelons-le est un phénomène d’adaptation naturelle, sera défini par rapport au ressenti qu’il provoque.
Il sera positif quand il permet une stimulation.
Il sera négatif quand il est ressenti comme un mal être physique et ou mental, attribué de façon plus ou moins clairement aux pressions professionnelles.
A partir d’un certain seuil, le stress non traité peut évoluer. Il semblera diminuer pour laisser place à un état de lassitude, d’indifférence accompagné par une perte de plaisir au travail, et une diminution de la performance, c’est le burn out ou épuisement professionnel.
La meilleure façon d’évaluer le stress au travail est d’identifier les symptômes tout en repérant les conditions qui les produisent.
On peut en citer trois.
- des symptômes physiques : troubles du sommeil, fatigue sans justification objective, palpitations, difficultés respiratoires, contractures, douleurs abdominales mais aussi du dos, de la tête, du cou, des épaules et des articulations avec des bilans de santé négatifs.
Tous ces signes physiques sont le reflet de l’état de surchauffe de notre organisme.
- des symptômes psychologiques : pensées anxieuses, ruminations, interrogations sur nos compétences professionnelles, perte d’estime et de confiance en nous.
- des symptômes comportementaux : modifications des conduites alimentaires, comportements agressifs ou isolement social, consommation de produits calmants ou excitants : café, alcool, tabac, somnifères, anxiolytiques.
La première étape indispensable : la prise de conscience du stress
La première étape pour une démarche de gestion du stress est une démarche d’identification et de prise de conscience du stress.
Pour vous aider dans cette analyse, un moyen simple et ludique : un test, disponible dans notre rubrique auto-tests.
C’est également l’objectif des téléconsultations proposées sur ce site avec le dispositif Mood Up ARA.
Nous avons choisi un métier d’aide et soins, les chefs d’entreprise que nous sommes devenus par la force des événements doivent veiller à protéger la santé et la sécurité de leurs salariés au travail. Commençons par poser la première pierre en prenant soin de nous-même.
L’INRS (agence européenne pour la sécurité et la santé au travail), définit le stress au travail en indiquant que le stress « survient lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas de nature psychologique. Il affecte la santé physique, le bien-être et la productivité ».
- Données épidémiologiques
- Définition et manifestations
- Facteurs de risque
- Outils de repérage
- Diagnostics différentiels
- Prévention et prise en charge
- Accompagnement pour un retour au travail
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En résumé
Le rapport Gollac présente une série de recommandations pour évaluer 6 grands facteurs de risques psychosociaux au sein d’une entreprise.
Les six facteurs sont :
- Intensité du travail et temps de travail :
Cette dimension tourne autour des tâches à réaliser. On va s’intéressé ici au rythme, à la quantité, à la complexité des tâches, ou encore à la diversité de celles-ci. Des effets significatifs sont observés sur la santé mentale des salariés lorsque la charge de travail atteint un certain seuil. Le temps de travail est également à surveiller, en effet, il a été démontré que des semaines de plus de 50 heures ou des journées au-delà de 7 à 9 heures augmentent les risques d’accident de manière significative. Enfin, le travail de nuit, le travail posté, les horaires antisociaux, les extensions de la disponibilité au-delà des horaires prévus sont également des facteurs à prendre en compte étant donné le nombre d’étude soulignant leur impact négatif sur la santé du personnel. - Exigences émotionnelles :
Il est observé des facteurs pouvant contribuer à l’apparition du Burnout. L’exigence émotionnelle, concerne les salariés qui ont une nécessité de maitriser leur émotion face aux collègues, mais également face aux bénéficiaires du travail (patient, client, usagers, …). Quatre éléments sont relatés dans cette dimension : la relation au public, le contact avec la souffrance, devoir cacher ses émotions et la peur. Cette dernière est liée d’une part aux peurs d’accident et d’autre part aux violences externes qui peuvent générer des traumatismes physiques et psychologiques. - Autonomie :
Cette dimension « désigne la possibilité pour le travailleur d’être acteur et non passif, vis-à-vis de son travail ». Ce besoin d’autonomie peut varier selon les individus mais dans tous les cas, une autonomie insuffisante doit être considérée comme un facteur de risque. L’autonomie dans la tâche, la prévisibilité du travail, la possibilité d’anticiper, l’utilisation des compétences et la répétition et la monotonie doivent être considérées. - Rapports sociaux au travail :
Cette partie comprend les relations interpersonnelles entre collaborateurs et les relations avec la hiérarchie. Nous retrouvons des notions telles que la qualité des relations, le soutien, la justice et la reconnaissance. Les relations avec l’extérieur de l’établissement sont également mentionnées dont la reconnaissance du public qui est importante et permet de donner du sens au travail effectué. Enfin, il est souligné dans cette dimension des risques psychosociaux a proprement parlé tels que la violence interne (discriminations, harcèlement moral, harcèlement sexuel) et la violence externe. - Conflits de valeurs :
Travailler en adéquation avec ses valeurs, ses principes, son éthique et trouver un sens aux missions qui lui sont confié permet au salarié d’être investi dans son travail. A contrario, devoir mentir au client, être empêcher de faire un travail de qualité, avoir le sentiment d’effectuer un travail inutile sont des situations où le salariés ressentira un mal-être, un sentiment d’inutilité, une perte de sens et pourra également développer des pathologies. - Insécurité de la situation de travail :
Cette dimension traite de la capacité pour le personnel à se projeter dans le futur. La stabilité du poste, du service, de l’établissement, du métier favorise la projection dans le futur du collaborateur. Au contraire, un contexte économique difficile tels que les contrats à durée déterminée ne permettent pas une stabilité pour le salarié qui risque de développer des troubles anxieux au même titre qu’un salarié qui développe une angoisse vis-à-vis de la perte son emploi. Les changements fréquents (fusion, turnover, réorganisation, …) contribue à une insécurité de l’emploi et par conséquence, du salaire et de la carrière.
Thématiques
Le rapport GOLLAC
Rédigé le 14 Mars 2018 par Benjamin Bouinot
Qu’est-ce que le rapport GOLLAC ?
Ce rapport est un document réalisé par Michel GOLLAC, statisticien et sociologue ainsi que Marceline BODIER, statisticienne à l’INSEE. Il fait suite à la demande du Ministre du travail, de l’emploi et de la santé de l’époque, Monsieur Xavier Bertrand afin de suivre les recommandations d’un précédent rapport, celui du rapport « Nasse-Légeron ».
Au préalable, le rapport « Nasse-Légeron »
En 2007, suite à une conférence sur les conditions de travail, Monsieur Xavier Bertrand, avait demandé à Philippe Nasse et Patrick Légeron, un rapport sur la façon d’identifier, de quantifier et de suivre les risques psychosociaux (RPS). Ce rapport recommandait entre autre que « l’INSEE exerce sa responsabilité de garant de la fiabilité sociale de l’enquête en se faisant aider […] par un collège d’expertise collective, fonctionnant selon une méthodologie reconnue et validée […] impliquant en particulier : la pluridisciplinarité, la diversité des points de vue, la traçabilité de leur expression, la qualité scientifique des membres attestée par la liste de leurs publications, une déclaration publique des intérêts qu’ils détiennent ». C’est dans ce cadre que le Ministre du travail demande à l’INSEE de former et d’animer un Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail.
Que contient le rapport GOLLAC ?
Dans une première partie, il est souligné l’enjeu des RPS sur la santé publique en rappelant succinctement un ensemble de conséquences sur la santé physique et psychologique de la population. Un tour d’horizon sur l’ensemble des approches disciplinaires (épidémiologie et épidémiologie psychiatrique, ergonomie, gestion, psychologie et psychiatrie clinique, médecine du travail, sociologie, économie, droit) est réalisé et met en lumière les différentes approches et définitions. Le collègue propose donc une définition opérationnelle :
Les risques psychosociaux seront définis comme les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental.
Dans cette partie, nous trouvons également une liste des principaux outils de la recherche :
- Le Job Content Questionnaire (JCQ) dit « questionnaire du Karasek » développé par R. Karasek (1979 ; 1994). Dans sa version de 1979, ce questionnaire permet d’évaluer les exigences psychologiques du travail et l’autonomie. Une seconde version a été développée avec T. Theorell en 1994 afin de rajouter le soutien social.
- Le modèle du déséquilibre effort-récompense (« effort-reward imbalance, ERI) dit « questionnaire de Siegrist » développé par J. Siegrist (1996). Comme son nom l’indique, il mesure l’effort, les récompenses et leur équilibre.
- Le modèle de la justice organisationnelle, inspiré par les travaux de J. S. Adams (1963, 1965) ce modèle est à l’origine d’une famille de questionnaire. Les différents questionnaires peuvent mesurer la justice distributive, la justice procédurale ou encore la justice interactionnelle.
- Le leadership dont de nombreux questionnaires existent mais leur validité n’est pas encore suffisamment attestée.
- Le harcèlement moral mesuré par le Leymann Inventory of Psychological Terrorization (LIPT) développé par Leymann (1996) ou le Negative Acts Questionnaire (NAQ) développé par Einarsen et Raknes (1997).
- Des questionnaires permettant d’évaluer une diversité de facteurs potentiels de risques psychosociaux :
- Le Copenhagen Psychosocial Questionnaire (COPSOQ)
- Le Questionnaire Nordique Général (QPS Nordic)
- Le WOrking Conditions and Control Questionnaire (WOCCQ)
Les six facteurs de risques
Dans sa seconde et dernière partie, le rapport traite de six grands facteurs de risques (qui constitueront les facteurs de l’INRS) :
Intensité du travail et temps de travail :
Cette dimension tourne autour des tâches à réaliser. On va s’intéresser d’une part, à l’intensité du travail au travers du rythme, de la quantité, de la complexité des tâches, ou encore de la diversité de celles-ci et d’autre part au temps de travail en termes de durée et d’organisation.
L’intensité du travail :
Selon le rapport, dans 70% des études passées en revue, des effets significatifs sont observés sur la santé mentale des salariés lorsque la charge de travail atteint un certain seuil. Cependant, l’évaluation de l’intensité du travail est indirecte et s’effectue à travers la mesure de déterminants immédiats de l’intensité et de la complexité du travail.
Déterminants immédiats de l’intensité et de la complexité du travail :
- Les contraintes de rythme
- Selon les contextes, les salariés peuvent être obligés de travailler à une certaine vitesse. Cette contrainte peut avoir une origine interne à l’établissement à travers son organisation (dépendant du travail des collègues en amont ou en aval) ou ses outils techniques (cadence des machines). L’origine peut également être externe par rapport aux fournisseurs ou aux clients par exemple.
- Objectifs irréalistes
- Il est fait mention qu’une intensité trop importante est liée à la définition d’objectifs incompatibles avec la réalité quotidienne du travail. Cette déconnexion peut être volontaire ou involontaire.
Attention, attribuer des objectifs irréalistes à un salarié peut être considéré par la justice comme du harcèlement moral.
- Objectifs flous
- Lorsque les consignes sont peu précises, il n’est pas rare que les travailleurs fixent eux-mêmes une partie des objectifs. Cependant, cela peut amener à des erreurs et à une perte de temps qu’il faudra rattraper.
- Polyvalence
- Dans les années 70, la polyvalence était valorisée afin de diminuer la monotonie et limiter la dépendance d’un travailleur par rapport à ses collègues. Mais certains risques sont pointés du doigt tel que l’accroissement de la charge de travail mais également de la charge mentale de devoir occuper différents postes et réaliser différentes tâches. La polyvalence est donc un facteur de risque mais également un facteur de prévention. Pour évaluer son impact, il est nécessaire de connaitre la vision du travailleur.
- Responsabilités
- Les responsabilités sont susceptibles d’accroître l’intensité et la complexité du travail. Cependant, il faut faire la distinction entre « être responsable » vu comme un synonyme d’avoir une position hiérarchique élevée (être responsable d’une équipe) et « l’exercice de responsabilités » lié à la gestion d’un système qui, en cas de dysfonctionnement, aurait des répercussions importantes (ex: une machine qui tombe en panne).
- Instructions contradictoires et interruptions d’activité
- Ces facteurs sont clairement organisationnels. Les instructions contradictoires constituent une charge supplémentaire et complique le travail pour un travailleur qui dans certains cas tranchera, et dans d’autres cas, interrompra son travail jusqu’à l’obtention d’instructions claires. Les instructions contradictoires sont malheureusement assez courantes (exemple : la nécessité d’être rapide tous en faisant de la qualité). Concernant les interruptions, le rapport ne développe pas l’importance de ce facteur.
Considéré comme un facteur à part entière , les interruptions ont un impact important sur le travail et les individus. Il est souvent recommandé de permettre aux travailleurs de pouvoir « s’isoler » quand ils en ont besoin, pour ne pas être interrompu lorsque le travail le nécessite (ex : dossier important). Les interruptions peuvent générer des retards et des erreurs dans les tâches à réaliser mais également un agacement qui peut amener à des conflits entre collègue.
- Sous-qualification
- « La difficulté d’un travail dépend de celui qui le réalise ». Cette phrase du rapport résume bien l’importance d’avoir une personne qualifiée au poste qui lui est confié. Si les compétences ne sont pas suffisantes, en plus de générer du mal-être, la charge de travail va s’amplifier aussi bien pour l’individu que pour ses collègues.
La surqualification d’un individu n’impacte pas directement l’intensité de travail, mais reste tout de même un facteur de risque pour l’individu.
Il est également bon de mentionner que demander intentionnellement une tâche à quelqu’un de sous-qualifié (ou même surqualifié) peux être considéré par la justice comme du harcèlement moral.
- Nouvelles technologies
- La technologie n’est pas définie comme ayant une influence causale sur l’intensité ou la complexité du travail (elle serait même un facteur de prévention face à la pénibilité). Cependant, le travail informatisé peut être vu par les travailleurs, comme une menace envers leur autonomie. L’informatisation est surtout liée à un changement important ayant pour cause ou conséquence une nouvelle organisation et impactant considérablement la communication. Les capacités d’adaptation du personnel influeront directement sur l’intensité du travail qui en découle.
- Facteurs d’ambiances matérielles
- L’environnement de travail impacte considérablement les performances des individus. Ainsi, dans une chaleur excessive, l’activité est ralentie tandis que dans le froid, c’est la vigilance qui est diminuée. Le bruit, la luminosité ou encore les vibrations sont également des éléments à prendre en compte pour le bien-être du travailleur et ainsi limiter les conséquences néfastes sur le travail et sur l’individu.
Conséquences immédiates de l’intensité et de la complexité du travail
Une trop forte intensité de travail impacte négativement le travail et les individus :
- Impréparation
- Lors que la charge de travail est importante, il devient difficile de souffler et d’anticiper sur les tâches à venir. C’est par exemple le cas lors de l’instauration d’une organisation en « lean production » où les salariés n’ont plus de temps mort et donc plus de temps pour respirer et s’organiser. Il n’est pas rare dans ces cas d’observer un débordement du travail en dehors des horaires..
- Retards
- Lorsque la charge s’intensifie il est souvent question de respecter un certain délai. Cependant, celui-ci est difficilement respecté sans l’apparition d’erreurs.
- Défauts de qualité
- Un conflit entre qualité et rendement est observé un peu partout dans les établissements. Ce sentiment de ne pas faire un travail satisfaisant rejoint la problématique du conflit de valeur qui est un facteur de risque à proprement parler. Il est développé un peu plus loin.
- Débordement
- Ce terme est défini en ergonomie, comme le sentiment de ne pas pouvoir faire son travail comme prévu. Régulièrement les travailleurs ont le sentiment de perdre du temps avec des détails qui les empêchent de réaliser convenablement leur mission. Il est possible d’utiliser la notion de « syndrome de débordement cognitif » bien que ce terme ait été élaboré autour de l’expansion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).
- Sentiment d’insuffisance des moyens disponibles
- Le travail est facilité lorsque le travailleur dispose des bons outils, de collègues compétents avec lesquels communiquer et obtenir de l’aide. Pour évaluer ce sentiment d’insuffisance, il est nécessaire de savoir si le travailleur à un matériel adapté, s’il a suffisamment de collègues mais également si les consignes et les informations sont claires et suffisantes.
- Perception subjective de l’intensité et de la complexité
- Il est rappelé que la perception de l’intensité est probablement influencée par des circonstances passagères telles que l’état de fatigue ou l’humeur. Ainsi, il est utile d’évaluer l’intensité de différentes manières afin de rendre plus objective l’évaluation de la perception.
Rappelons qu’au niveau individuel l’évaluation reste subjective, donc quelle que soit la manière d’évaluer l’intensité du travail, nous aurons affaire à la subjectivité du travailleur.
- Impossibilité de moduler son investissement au travail
- Lorsque l’intensité est élevée, il n’est pas rare de devoir moduler son investissement pour répondre aux exigences. Ainsi, il est fait allusion au modèle d’équilibre efforts-récompense de Siegrist (1987, 1996, 2004) qui souligne le besoin d’être récompensé lorsque les efforts sont importants. Attention à l’évaluation du surinvestissement qui peut être la conséquence de nombreux facteurs (personnalité, peur de perdre son emploi, faire ses preuves, etc.).
Temps de travail
Selon le rapport, il n’est pas évident de savoir si le temps de travail est un facteur de risque psychosocial. En effet, si ce facteur influence la santé des travailleurs, il ne fait pas nécessairement intervenir des phénomènes psychiques. Il est également admis que le temps de travail influe sur la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle (familiale, sociale), ce qui relève de la dimension psychosociale. Pour mieux appréhender les éventuelles difficultés, le rapport propose de s’attarder sur certains facteurs concernant la durée et l’organisation du temps de travail :
Durée et organisation du temps de travail
- Nombre d’heures
- Etonnamment, il existe peu d’études qui s’intéressent à l’impact du nombre d’heures travaillées sur la santé du personnel. Il existerait un certain flou autour de la notion du nombre d’heures travaillées (horaires irréguliers, nombre d’heures moyen ou maximal, par semaine, par mois, …). Notons également que le nombre d’heures travaillées est étroitement lié à un ensemble de caractéristiques démographiques sociales et économiques. Enfin, les études donnent des raisons de penser que les conséquences sur la santé dépendent de d’autres caractéristiques du travail. Ainsi, travailler longtemps dans un travail épanouissant aurait moins de conséquences négatives que travailler aussi longtemps en réalisant des tâches répétitives. Certaines études suggèrent tout de même un lien entre durée du travail et troubles de la santé. Il a été démontré que des semaines de plus de 50 heures sont dangereuses tandis qu’il est plus difficile d’évaluer l’impact pour des semaines entre 40 et 50 heures. Concernant la durée du travail quotidienne, une étude conclut que les risques croissent particulièrement vite au-delà de 7 à 9 heures de travail, en particulier les risques d’accident.
Aujourd’hui, il n’est pas rare de rencontrer des organisations dans lesquelles certains travailleurs doivent faire 10h par jour. Il est d’autant plus incompréhensible que ces organisations se rencontrent dans des établissements publics (Hôpitaux) où les agents n’ont pas le droit à l’erreur pour la sécurité du patient.
- Travail de nuit
- Les études sur le travail de nuit sont nombreuses à montrer les impacts négatifs sur la santé des individus. A court terme, le travail de nuit provoque des troubles du sommeil, des risques de déséquilibre nutritionnel et de troubles digestifs. Les accidents de travail sont, quant à eux, moins nombreux mais leur taux de gravité est bien plus importante. A long terme, les conséquences ne sont pas simples à identifier car nous sommes face à une population spécifique capable de maintenir sur le moyen-long terme un poste de nuit. Il est également difficile de définir les seuils d’exposition (1 an, 5 ans, … ?). Cependant, des études mettent en avant une sur-fatigue et l’usure prématurée de l’organisme comme conséquences à long terme sur la santé de l’individu auxquelles nous pouvons rajouter une augmentation des risques cardio-vasculaires à travers l’hypertension artérielle, l’obésité, etc. Enfin, selon l’OMS, le travail de nuit favorise l’apparition de cancers (notamment celui du sein). En effet, tout travail qui interrompt le rythme circadien est un facteur « probablement cancérogènes ». De nombreuses répercussions peuvent encore être listées telles que la fatigue chronique, la dépression, l’anxiété, le stress, ou encore le déclanchement de crises chez les personnes atteintes de troubles bipolaires.
- Travail posté
- Les conséquences du travail posté sont globalement les mêmes que le travail de nuit. En effet, le travail posté impact le rythme circadien ce qui a pour conséquences un ensemble de risques cardio-vasculaire en plus d’un déficit de sommeil, des troubles de l’humeur, une augmentation des risques d’accidents causé par de la somnolence. Le travail posté interfère également avec la vie familiale et la vie sociale (notamment les activités de bénévoles).
- Horaires antisociaux
- Les horaires antisociaux ne perturbent pas les rythmes biologiques (travail du soir, week-end) mais perturbent les rythmes de vie familiale et sociale.
- Extension de la disponibilité
- En lien avec la charge de travail, il peut être demandé aux salariés d’avoir des disponibilités afin de se mettre à jour dans leur travail, faire face à des urgences, ou pour combler un manque de personnel. Les conséquences sont similaires aux différentes situations précédentes, dont la conciliation vie professionnelle et vie personnelle. Cependant, il semble que ça soit le caractère imprévisible de changements d’horaires qui vient perturber l’individu et son équilibre.
Il n’est pas rare que Puzzle Concept soit confronté à des situations où il est demandé au personnel d’être disponible pour remplacer un collègue malade. Mais cette organisation épuise l’ensemble du personnel au point où les arrêts de travail se multiplient. Rappelons également que le personnel d’astreinte n’est pas en repos sur ce temps d’astreinte puisqu’il s’empêche de faire des activités prenantes ou éloignées du lieu de travail au cas où il soit appelé.
- Présentéisme
- Le présentéisme désigne le fait qu’un salarié vienne travailler alors qu’en raison de son état de santé, il devrait être en arrêt maladie. Pour certains, cette situation amène le travailleur à être en état de « burn in », c’est-à-dire « une présence abusive sur le lieu de travail menant à un état pathologique de surmenage ». Le présentéisme est néfaste pour l’individu puisqu’il ne favorise pas la guérison, voire même peut engendrer d’autres difficultés. Pour l’entreprise, le présentéisme se traduit par une perte de productivité. Le présentéisme est indicateur d’une organisation défaillante.
Conséquences immédiates du temps de travail
- Conciliation travail-hors travail
- Mentionnée à différentes reprises, la conciliation entre vie professionnelle vie personnelle est souvent impactée par les horaires de travail atypique. Mais d’autres situations peuvent être énumérés telles que les tâches à réaliser en dehors du temps de travail (notamment pour les professeurs). Le télétravail se développe afin de permettre une meilleure conciliation entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle, cependant cette organisation peut être incompatible si le salarié ne sait pas construire une frontière entre les deux sphères. Les difficultés de conciliation ont elles-mêmes des conséquences sur la santé des individus : troubles de l’humeur et troubles anxieux.
La conciliation vie professionnelle et vie personnelle, est une problématique importante dans le milieu agricole. En effet, il est difficile pour les agriculteurs de délimiter clairement chacune des deux sphères. Lorsque l’agriculteur est à la maison, il reste en quelque sorte sur son exploitation.
Exigences émotionnelles :
Ici, nous observons des facteurs pouvant contribuer à l’apparition du Burnout. En effet, à travers l’exigence émotionnelle, nous évaluons la nécessité pour les salariés de maitriser leur émotion face aux collègues d’une part, mais surtout face aux bénéficiaires du travail (patient, client, usagers, …). Quatre éléments sont relatés dans cette dimension : la relation au public, le contact avec la souffrance, le fait de devoir cacher ses émotions et la peur. Cette dernière est liée d’une part aux peurs d’accident dans les activités où ils sont fréquents (exemple : BTP) et d’autre part aux violences externes qui peuvent générer des traumatismes physiques et psychologiques.
Autonomie :
Cette dimension « désigne la possibilité pour le travailleur d’être acteur et non passif, vis-à-vis de son travail ». Ce besoin d’autonomie peut varier selon les individus mais dans tous les cas, une autonomie insuffisante doit être considérée comme un facteur de risque. Différents aspects sont présentés dans cette dimension, tels que l’autonomie dans la tâche, la prévisibilité du travail, la possibilité d’anticiper, l’utilisation des compétences, la répétition et la monotonie.
Rapports sociaux au travail :
Cette partie comprend tout naturellement les relations interpersonnelles entre collaborateurs et les relations avec la hiérarchie. Ces rapports sociaux prennent en compte la qualité des relations et du soutien qui en découle. Se sentir intégrer à un groupe est important aussi bien en société que dans le travail. Au-delà de cette relation interpersonnelle, il est également important d’évaluer la représentation que se fait l’individu de son établissement en termes de justice et de reconnaissance. Les relations avec l’extérieur de l’établissement ne doivent pas être oubliée, en effet, la reconnaissance du public est importante et permet de donner du sens au travail effectué. Enfin, il est souligné dans cette dimension des risques psychosociaux a proprement parlé tels que la violence interne (discriminations, harcèlement moral, harcèlement sexuel) et la violence externe.
Conflits de valeurs :
Travailler en adéquation avec ses valeurs, ses principes, son éthique et trouver un sens aux missions qui lui sont confié permet au salarié d’être investi dans son travail. A contrario, si des conflits éthiques existent (par exemple, mentir au client) le salarié ressentira un mal-être et pourra développer de graves pathologies. De même un salarié qui se verra empêcher de faire un travail de qualité verra sa fierté et sa motivation diminué ainsi que la confiance qu’il place dans son établissement et donc sa hiérarchie. Enfin, un travail jugé inutile contribue au mal-être du salarié qui développera un sentiment d’inutilité et de perte de sens dans son travail. Il est rappelé que « le travail inutile peut faire partie des signes précurseurs du harcèlement moral ».
Insécurité de la situation de travail :
Cette dernière dimension traite de la capacité pour le personnel à se projeter dans le futur. La stabilité du poste, du service, de l’établissement, du métier favorise la projection dans le futur du collaborateur. Au contraire, un contexte économique difficile tels que les contrats à durée déterminée ne permettent pas une stabilité pour le salarié qui risque de développer des troubles anxieux au même titre qu’un salarié qui développe une angoisse vis-à-vis de la perte son emploi. Les changements fréquents (fusion, turnover, réorganisation, …) contribue à une insécurité de l’emploi et par conséquence, du salaire et de la carrière. Bien que ces changements sont nécessaires pour s’adapter à son environnement et aux contextes économiques et sociaux, ils sont également générateurs de risques et doivent être limités. A défaut de ne pas pouvoir faire autrement, il est nécessaire de bien préparer le changement et d’avoir une stratégie de communication solide pour répondre aux interrogations du personnel.
Bibliographie
Gollac et Bodier (2011). Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser. La Documentation française.
Nasse et Légeron (2008). Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail. La Documentation française.
Etat des lieux de la qualité de vie des étudiants en santé et propositions concrètes d’améliorations à mettre en oeuvre.
Rapport remis aux Ministres de la santé et de l’enseignement supérieur.